Goodwill des entreprises européennes : quels sont les risques de dépréciation ?

Houlihan Lokey vient de publier sa deuxième étude sur les écarts d’acquisition des entreprises européennes. L’échantillon utilisé est composé des sociétés du Stoxx Europe 600.

De 2005 à 2009, le montant des acquisitions de ces entreprises s’est élevé à 1900 milliards d’euros. Une partie importante de ces opérations se sont déroulées dans des conditions de marché nettement plus favorables que celles que nous connaissons aujourd’hui. Malgré la chute importante des capitalisations boursières, la révision constante des prévisions de croissance de l’économie européenne, et la chute importante des résultats, les entreprises n’ont pas procédé à des dépréciations significatives de leur goodwill.

Le montant total comptabilisé au titre des provisions pour dépréciation des écarts d’acquisition n’est que de 200 milliards d’euros sur la même période, dont seulement 100 milliards d’euros au plus haut de la crise financière en 2008-2009. Sur ces 100 milliards d’euros, un tiers environ se concentre sur deux banques seulement. En 2009, sur 600 sociétés analysées, seules 194 sociétés ont comptabilisé des provisions pour dépréciation des écarts d’acquisition (et seulement 200 sociétés en 2008).

Afin d’identifier les secteurs les plus exposés à des dépréciations, Houlihan Lokey a défini un indicateur de risque d’impairment sur la base de deux ratios : d’une part, la somme cumulée des prix d’acquisition rapportée à la capitalisation boursière de fin de période, et d’autre part, la capitalisation boursière rapportée à la valeur comptable des fonds propres. En fonction de leurs scores, les entreprises sont réparties en quatre classes de risque allant de l’orage au beau temps en passant par une zone pluvieuse et une zone nuageuse.

Environ 24 % des 600 sociétés analysées exhibaient un taux de risque de dépréciation (mesurée par le ratio capitalisation boursière / valeur comptable des fonds propres) inférieur à 110 %. En 2008, c’était le cas d’environ 40 % des sociétés, une situation très différente des années d’avant la crise où seulement 7 % des entreprises étaient concernées. Quelques secteurs – automobile, établissements financiers (banques, établissements financiers – assurance), immobilier, hôtellerie et loisirs – sont encore dans une zone de risque de dépréciation.

Cette étude est donc moins alarmante que celle qui avait été publiée précédemment, mais la question de savoir si les bilans de certaines entreprises reflètent correctement la juste valeur prônée par les normes comptables est une question qui continue de se poser (même si les investisseurs ont déjà répondu !).

Depuis le début de la crise, la magnanimité des régulateurs, la compréhension des auditeurs et l’encouragement des politiques ont permis aux émetteurs de différer la pleine application de la fair value (voir mon post sur le débat sur la juste valeur).

Pourtant, il faut rappeler aux entreprises que, même s'il est évident que les investisseurs utilisent les informations sur les dépréciations de goodwill (voir l'étude de Ernst & Young sur le sujet), toutes les études montrent que l’annonce d’une dépréciation n’a pratiquement pas d’effet sur le cours de bourse de l’entreprise, les investisseurs ayant généralement anticipé cette situation (voir par exemple l'analyse récente de PwC). Bien au contraire, les investisseurs apprécient que les entreprises leur disent la vérité. Chercher à tergiverser est contreproductif. La transparence et l’honnêteté sont rémunérées par le marché (voir le papier de Damodaran, "the value of transparency and the cost of complexity"). L’opacité ou la négation de l’évidence sont pénalisées.

Cette étude peut être téléchargée sur le site de Houlihan Lokey.

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